Monsieur le Ministre,
Monseigneur l'Archevêque,
Monsieur le Président du Conseil National,
Monsieur le Président du Conseil de la Couronne,
Monsieur le Directeur des Services Judiciaires,
Monsieur le Secrétaire d'Etat,
Excellences,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président du Tribunal Suprême,
Mesdames, Messieurs,
Le 5 janvier 2011, je vous conviais ici pour commémorer le centenaire de la Constitution de 1911. Ce soir, je suis heureux de vous réunir à nouveau en cette Salle du Trône pour célébrer auprès de moi le cinquantenaire de la Constitution du 17 décembre 1962, voulue par le Prince Rainier III, mon Père.
La Constitution de 1911 dotait notre pays d'un cadre juridique et politique novateur. Nombre des principes alors édictés régissent toujours la Principauté. Bien évidemment, les Institutions ont été adaptées, en un siècle, aux évolutions, tant par la Constitution de 1962 que lors de sa révision, le 2 avril 2002, dans la perspective de l'adhésion de notre Pays au Conseil de l'Europe.
La Constitution de 1962 complète le dispositif institutionnel de 1911 et consacre "l'Etat de Droit".
Ainsi, la Constitution ne peut désormais être suspendue et la procédure de révision constitutionnelle est subordonnée au commun accord du Prince et du Conseil National.
Ce formalisme met en lumière que la révision de la Constitution s'entend dans la fidélité aux Principes fondamentaux du régime, hérités de la tradition et legs de l'Histoire.
En un demi-siècle, notre pays est parvenu à conforter sa présence dans un monde tourmenté grâce à la Constitution de 1962 qui, d'une part, établit fermement la source de la Souveraineté, d'autre part, garantit l'exercice de celle-ci par des règles efficaces.
Sur la scène internationale, la Souveraineté de la Principauté procède du principe édicté par l'article 1er :
"La Principauté de Monaco est un Etat souverain et indépendant dans le cadre des principes généraux du Droit international et des conventions particulières avec la France".
Cette Souveraineté et cette indépendance s'expriment, notamment, par notre représentation diplomatique et consulaire à l'étranger et par l'accréditation auprès de moi de représentants de pays étrangers. Ce solide réseau diplomatique et consulaire, tant à Monaco qu'à l'étranger, manifeste la vitalité de la présence de la Principauté sur la scène internationale.
La Constitution de 1962 consacre officiellement des principes et symboles auxquels nous sommes très attachés : la religion d'Etat, fondement de nos relations particulières avec le Saint Siège, le pavillon national, la langue officielle.
Notre souveraineté s'exprime aussi par notre capacité à conclure des traités. Représentant de la Principauté dans les rapports avec les puissances étrangères et conduisant les relations internationales, le Prince a pour prérogative de signer et de ratifier les traités, après avoir consulté le Conseil de la Couronne et en portant le texte des accords signés, avant leur ratification, à la connaissance du Conseil National.
La révision de l'article 14 de la Constitution, le 2 avril 2002, préalable à notre adhésion au Conseil de l'Europe, a toutefois consolidé la position du Conseil National sur ce point puisque certains traités ou accords ne peuvent être ratifiés qu'en vertu d'une loi.
Par ailleurs, la Principauté porte sa voix dans les débats internationaux, que ce soit à l'ONU ou au sein de multiples organisations internationales.
S'agissant des rapports privilégiés entre la Principauté et la France, le traité franco - monégasque du 24 octobre 2002 a actualisé celui de 1918, consacrant le principe de l'égalité souveraine entre les deux Etats.
Dans le droit fil de cette actualisation, la Principauté dispose désormais, sauf arrangements particuliers, des emplois supérieurs de son administration et de sa justice qui étaient jusqu'alors réservés à des fonctionnaires français détachés.
Les rapports franco-monégasques s'inscrivent donc dans une étroite concertation entre deux partenaires également confiants l'un dans l'autre et respectueux de leurs intérêts fondamentaux réciproques.
C'est dans cet esprit que se conçoit le positionnement de la Principauté au regard de l'Union Européenne, notre pays devant toutefois, avec celle-ci, résoudre un certain nombre de difficultés touchant à des secteurs spécifiques et portant sur des sujets très concrets.
L'article 2 de la Constitution met en lumière la source de la Souveraineté :
"Le principe de Gouvernement est la monarchie héréditaire et constitutionnelle. La Principauté est un Etat de droit attaché au respect des libertés et droits fondamentaux".
Il en résulte que le Prince est le fondement constitutionnel unique des trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire, dont la Constitution a, au demeurant, garanti la séparation.
Le Prince dispose du droit exclusif de modifier à tout moment la composition du Gouvernement, dont les membres sont individuellement responsables devant Lui.
Le Prince conduit les affaires de l'Etat, donne une direction, fixe un cap, détermine et imprime une vision, ainsi qu'un rythme.
Le Gouvernement a la responsabilité de mettre en œuvre les orientations ainsi définies.
Posant les bases d'un authentique régime constitutionnel, la Constitution de 1911 avait instauré le Conseil National et partagé la fonction législative entre le Souverain et une assemblée élue, dotée de prérogatives dans le domaine des finances publiques au travers de la loi de budget.
L'examen préliminaire de celle-ci permet au Conseil National, au travers des réunions préparatoires, en séance privée,, puis lors des séances publiques, de passer les politiques du Gouvernement au crible de ses appréciations. Les débats entre mon Gouvernement et l'Assemblée sont à cet égard des plus importants.
La Constitution de 1962, a consacré le partage de la fonction législative entre le Prince et le Conseil National, sa révision en 2002 consolidant la position de l'Assemblée dans ce processus.
En effet, sur les propositions de loi, le Gouvernement doit une réponse au Conseil National dans un délai de six mois.
Par ailleurs, le Conseil National dispose désormais d'un droit d'amendement à condition que l'amendement ait un lien direct avec les autres dispositions du texte et n'affecte pas la loi de budget.
Le Gouvernement, de son côté, peut retirer le projet de loi avant le vote s'il estime ne pas être en mesure d'accepter les amendements proposés.
L'œuvre législative est donc le fruit de la concertation permanente entre mon Gouvernement et le Conseil National, concertation devant aboutir au consensus.
Ces procédures tout en nuance assurent, nous le savons, la préservation des équilibres qui sont les garants de la pérennité de notre régime et, par là-même, de la stabilité de notre pays.
Par ailleurs, comment ne pas rappeler que l'autonomie de la commune, collectivité publique de type décentralisée, a été affirmée par la révision constitutionnelle de 2002 qui complète les ressources propres de la Mairie par l'inscription au budget de l'Etat d'une dotation annuelle. Celle-ci permet à la commune de faire face à ses missions qui concernent essentiellement l'urbanisme et l'animation de la cité, ainsi que la qualité de vie de la population.
La Constitution de 1962 fait en outre bénéficier d'une protection juridique particulière un corps de Droits et Libertés essentiels, regroupés sous son titre III qui, par ailleurs, abolit la peine de mort.
Ce titre enrichit les droits politiques et individuels déjà protégés par la Constitution de 1911 en les complétant de droits sociaux et économiques tels que la liberté du travail, l'aide aux plus faibles et démunis, l'instruction gratuite et obligatoire, l'action syndicale, le droit de grève, la liberté d'association.
La consécration de ces "Libertés et Droits fondamentaux" constitue bien plus qu'une déclaration de principe, puisque ces dispositions voient leur respect garanti par le Tribunal Suprême, statuant en qualité de juge constitutionnel.
En matière administrative, le Tribunal Suprême est juge des différends opposant l'Etat à ses administrés.
Il remplit sa mission avec célérité et l'accroissement du nombre des recours atteste de sa reconnaissance par les justiciables.
A son Titre X consacré à la Justice, la Constitution de 1962 a posé à l'article 88 les bases du fonctionnement actuel des institutions judiciaires en consacrant les principes de Justice déléguée et d'indépendance des juges et en prévoyant que « l'organisation, la compétence et le fonctionnement des tribunaux, ainsi que le statut des juges sont fixés par la loi ».
C'est sur ce fondement qu'ont été adoptées les lois du 15 juillet 1965 portant organisation judiciaire et du 16 novembre 2009 portant statut de la magistrature.
La force de la Constitution de 1962 réside, me semble-t-il, dans l'harmonieuse synthèse qu'elle réalise des principes traditionnels de la monarchie et des acquis du droit public contemporain.
Traditionnelle, la Constitution de 1962 l'est à maints égards :
- à l'égard du Prince qui statue souverainement dans le respect des règles constitutionnelles et après l'avis d'organes consultatifs tels que le Conseil de la Couronne et le Conseil d'Etat ;
- à l'égard du Gouvernement, artisan de la politique inspirée par le Prince ;
- à l'égard du Conseil National dont les missions législatives et budgétaires, contribuent activement à la prise en compte des attentes de la population.
La Constitution de 1962 est moderne en ce qu'elle oblige toute autorité, fut-elle suprême, tout acte, fut-il souverain, au respect de la Constitution et du Droit.
Aujourd'hui, je vous invite, en veillant à assurer le respect de notre Constitution dans sa lettre comme dans son esprit, à témoigner votre fidélité à un régime institutionnel qui a démontré sa capacité d'adaptation à nos spécificités, dans la recherche permanente du consensus, autour des valeurs et principes qui ont forgé notre pays dans un monde en évolution permanente.
Je vous remercie.